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Eve par Rodin

@Metropolitan Museum of Art, New-York

Grande divinité mère, musée archéolo

Grande divinité mère

Musée archéologique d'Héraklion Crète

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Scylla changé en monstre marin par Circé

Antonio Tempesta

@Metropolitan Museum of Art, New-York

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Dans l'iconographie religieuse, seuls les anges asexués ou les "Vierges folles" détiennent un instrument.

«Les femmes n’ont ni religion,
ni poésie qui leur appartiennent
en propre, c’est encore par les rêves
des hommes qu’elles rêvent»
Simone de Beauvoir,
Le deuxième sexe, 1949
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Création contre procréation

De la mythologie aux religions, la disgrâce idéologique du genre féminin

Lors de la sédentarisation qui a accompagné le développement de l’agriculture et de l’élevage  (vers 10 000 avant notre ère) les équilibres sociaux ont été profondément modifiés. Les archéologues notent une disparition progressive des statuettes déesses de la fertilité, déesses de la terre qui témoignent d'une civilisation égalitaire ou peut-être même matrilinéaire, au profit de traces de coercition et de violences. Il est probable que face au pouvoir d'enfanter des femmes, les hommes aient ressenti le besoin de maîtriser la généalogie et d'augmenter leur prestige ou leur autorité.

S’approprier la procréation comme œuvre de l’esprit était un bon début. Ainsi, les anciens imaginèrent des mythes, puis des religions par lesquels hommes et dieux, donnent la vie au moyen de leur propre corps ou action. Zeus fait apparaitre Athéna de son crâne, Jupiter extrait Bacchus de sa cuisse, Dieu «le père» façonne le premier homme avec de la glaise et de l’eau, Adam enfante Eve à partir de sa côte...

Les femmes vont être assujetties, dévalorisées, dépossédées de leur nom, de leur corps, mais aussi symboliquement dépossédées de leur fonction procréative.

Zeus détrône la déesse originelle de la terre, la sainte trinité chrétienne (le Fils, le Père et le Saint Esprit) évacue la matrilinéarité. Marie enfante sans avoir eu de relation sexuelle et dévoue sa vie à son fils.

 

Par cette stratégie les hommes vont réussir à hisser le principe paternel et leur hégémonie au premier plan. Les créateurs désormais ce sont eux. Les femmes de gré ou de force, vont se soumettre aux nouveaux codes sociaux.

 

Un genre inférieur et maléfique par nature

S'approprier symboliquement la (pro)création ne suffisait pas. Les hommes durent composer avec leur  attirance pour les femmes qui pouvaient mettre en péril leur suprématie. N’assumant pas leur désir et pour mieux les contrôler, ils accusèrent les femmes d’être mauvaises. Un endoctrinement qui sera incarné par des figures mythologiques explicites : Pandore est une pécheresse qui, en ouvrant la boîte, déverse le mal sur le monde, Médée est présentée comme la meurtrière monstrueuse de ses deux fils, Jezabel comme vicieuse et malfaisante, Circé comme une empoisonneuse qui transforme les hommes en cochons. Eve est coupable d’avoir fait goûter à Adam le fruit défendu, gorgones, harpies, sorcières... la liste de créatures maléfiques est longue et s'oppose à des figures vertueuses telles Isis ou Pénélope, modèles de dévouement et de fidélité conjugale.

Femme et musicienne : une double dangerosité pour l'église

Pour les pères de l'église qui suivent le sillage mythologique, les femmes en général sont les instruments du péché, susceptibles de conduire les hommes en enfer.  Ils vont institutionnaliser leur enfermement social, politique, moral, physique et orchestrer leur infériorisation à grand renfort de culpabilisation.

En même temps, conscients du pouvoir de la musique qui leur échappe, les religieux de tous ordres vont chercher soit à l'interdire soit à la réglementer fortement.

Les femmes qui pratiquent la musique seront jugées doublement dangereuses. A partir de l'an 200, leur chant sera interdit à l'église et remplacé par celui d'enfants, de castrats en Italie ou par des chants grégoriens. Un châtiment qui durera jusqu'en... 1965 !

Jouer d'un instrument n'est pas plus envisageable : dans l'iconographie religieuse, les instruments de musiques sont tenus soit par des vierges folles, soit par des anges asexués.

Les musiciennes, les chanteuses ou poétesses s'exposent à une mauvaise réputation.

Pour les traditions juives, chrétiennes et musulmanes, dérivées de la bible, une femme «respectable» doit être discrète, protégée par un mari, un père ou un frère et se consacrer exclusivement à son intérieur, à sa famille. Une femme peut s’amuser à chanter, éventuellement à jouer d’un instrument, mais seulement dans le cadre de son univers intime. Le pape Innocent XI (1676-1689) sera plus radical : il interdit aux femmes de chanter chez elles et déclare que «la musique nuit dans la plus large mesure à la modestie qui convient au sexe féminin, parce qu’elle détourne la femme des affaires et occupations qui lui sont propres.» 

Les impossibles vocations musicales féminines

Considérées comme des objets utiles au fonctionnement de la société patriarcale, les femmes vont être assignées à des places immuables :  aux hommes le pouvoir, l’extérieur, le génie, aux femmes le soin aux autres, l’intérieur, la soumission au mari pour qui elle doit être «une source de plaisir et de réconfort», sans valeur propre et limitées à des fonctions sexuelles, maternelles et domestiques. Leurs destinées se limitera à des vies étriquées, sans plaisirs, ni possibilité d’expression.

 

Si les ecclésiastiques prennent une grande part dans cet enfermement, les écrivains et penseurs de chaque époque vont entretenir ce système phallocentré. Malgré un sursaut au siècle des Lumières, le XIXe avec notamment le code de Napoléon, dégrade encore davantage le statut des femmes, en les considérant comme des mineures. Les droits politiques leur sont refusés sous prétexte d’une nature «intrinsèquement inférieure.»  

L'éducation, les formations musicales seront interdites aux filles jusqu'à l'ouverture de l'Ecole Royale de musique en 1784, (devenu ensuite le Conservatoire National Supérieur de Paris). Cependant, seuls les cours de chant et de piano leur sont accessibles. Les classes de composition, d'harmonie et d'instruments à cordes leur seront fermées jusqu'en 1879. La musique doit rester pour les filles un art d'agrément. Hors de question de se produire en public. Les femmes qui passent outre perdent leur réputation, celles qui se hasardent à composer sont taxées d'aimables anomalies, plus décoratives que sérieuses. Leurs œuvres sont dénigrées, effacées. Elles-mêmes se perçoivent comme illégitimes et coupables.

Comment parvenir à créer lorsque l'on est niée en tant que sujet ?

Le manque de créatrices que l'on constate encore aujourd'hui est la triste conséquence de ce conditionnement millénaire.

Une éducation ouverte, un milieu encourageant, ou encore un travail sur soi, sont les conditions nécessaires pour pouvoir briser ces chaînes inconscientes.

  • Une histoire des créatrices, l’Antiquité, le Moyen-âge, la Renaissance, Liliane Blanc, édition Sisyphe - 2008

  • Maurice Godelier, Les métamorphoses de la parenté, Flammarion - 2004

  • Françoise Escal, Jacqueline Rousseau-Dujardin, Musique et différence des sexes - L’Harmattan,

  • Florence Launnay, musicienne, professeure de chant et auteure d’une thèse de doctorat 2004 «Les compositrices françaises de 1789 à 1914»

  • Hyacinthe Ravet, Musiciennes, Enquête sur les femmes et la musique, édition Autrement, 2011

  • Danièle Roster, Les femmes et la création musicale, L’Harmattan, 1998

  • Elisabeth Badinter, L’Un est l’Autre, Odile Jacob 2012

  • Benoite Groult, Le féminisme au masculin, 1977, livre de poche

  • Le Sexe de la Musique, Etienne Liebig, La Musardine, 2018

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