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Contrebandières

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Sur le sol américain, chanteuses et instrumentistes diffusent le patrimoine musical traditionnel et combinent quelques heureux mélanges...
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Esclave noire tenant un accordéon

@ Library of Congress, Appalachian folk

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La leçon de banjo

par Marie Cassat (1844-1926)

Collection Jacques Doucet.

Bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art, Pennsylvannie

Entre les XVIIe et XIXe siècle, fuyant la misère, des millions d’européens vont s’installer en Amérique du Nord, dans la région des Appalaches. Pour supporter l’extrême pauvreté et le déracinement, ces paysans font revivre d'une manière encore plus intense leurs musiques traditionnelles. Peu à peu, au contact successif des autres peuples, les styles musicaux vont se métisser. Aux violons d’Irlande (fiddle), cithares d’Autriche, harmonicas d’Allemagne, mandolines d’Italie et guitares d’Espagne, va s’ajouter le banjo, apporté par les esclaves noirs. Cet instrument rudimentaire deviendra l’attribut emblématique de la musique country (du pays). Retrouver une identité, renforcer le lien social et encourager l’élan vital de ces migrants à la peau blanche, seront les principales vocations de cette musique folk (un mot qui signifie peuple).

Leurs ballades celtiques empruntent parfois au blues sa structure, mais l’accompagnement est plus enjoué et rythmé. Les textes sont simples et poétiques ; ils parlent de paysages, de routes empruntées, ou encore de conditions de vie difficiles. S’il est question d’amour, le ton est puritain.

 

Les représentations habituelles tendraient à nous faire penser que seuls les hommes, jouaient d’un instrument, or plusieurs études et témoignages vont dans le sens d’une pratique aussi bien féminine que masculine.(1) De nombreux musiciens du Kentucky et du Tennessee, berceau de la musique folk et country, affirment avoir été inspirés et initiés par leur mère, leur grand-mère, leur tante, ou leur sœur. Une enquête du Old-Time Herald rapporte que les femmes auraient été les vraies gardiennes du patrimoine musical des Appalaches.(2)

Entre 1916 et 1917, les musiciens Cecil Sharp et Maud Karpeles qui sont partis enregistrer le patrimoine musical des états du Kentucky, Caroline et Virginie, rapportent que 75 % des 968 chansons folkloriques ont été chantées par des femmes. (3)

Comment expliquer cette invisibilité ?

 

La mauvaise réputation des musiciennes et des chanteuses qui sévit sur l'ancien monde, s'est exporté sur le nouveau continent. Les filles vont être dissuadées de pratique musicale.  "Les jolies filles ne jouent pas du banjo !" Quant aux violons, ils sont surnommés "boite à diable" ou "fils de Satan". Nombreuses sont les filles à avoir dérobé en cachette le banjo ou la guitare d’un frère ou d'un père. S’il arrivait qu’une femme parvienne à un très bon niveau, il ne lui était pas permis de se produire en dehors du cercle familial. Comment le pourrait-ellle ?  les fonctions de mères, d’épouses souvent associées à un travail éreintant ont la plupart du temps eu raison des prédispositions artistiques féminines. Certaines artistes extraordinaires comme Elisabeth Cotten ou Etta Baker n’ont pu faire carrière qu’à la soixantaine, une fois délivrées des soins prodigués sans compter à leurs enfants, parents et maris.

 

Dans cette Amérique contrastée, quelques aventurières banjoïstes, guitaristes, violonistes singulières ont pu transgresser les codes sociaux et devenir des artistes influentes. Durant les années 1960, alors que la musique country fédère une société conservatrice, souvent raciste et sexiste, la musique folk va connaitre un nouvel élan progressiste. Ce «Revival Folk» devient alors pour les pacifistes de gauche un outil de contestation et de militantisme, en faveur des droits civiques des noirs américains, de l’égalité sociale et de la paix dans le monde. Plusieurs femmes indépendantes, armées de guitares et déterminées à faire bouger les lignes, se hisseront parmi les artistes de tout premier plan. Quelques musiciennes plus discrètes resteront dans l’ombre jusqu’à leur redécouverte trente ans plus tard...

"Les jolies filles ne jouent pas du banjo !"

1 : Banjo Women in West Virginia and Eastern Kentucky - Susan A. EackerIn Praise of Banjo

2 : Picking Women, Old-TIme Herald, Mike Seeger (musicien et folkloriste)

3 : A banjo on Her Knee, Susan A. Eacker and Geoff Eacker, Oldtimeherald.com

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@ North Carolina Art Concil

Samantha Bumgarner

1878-1960

Première artiste à enregistrer un album de banjo, à l'origine de nombreuses vocations...

Samantha Bumgarner peut être considérée comme la première à avoir enregistré un album de banjo-picking qui va atteindre un public de masse et comme la première de tous les habitants des Appalaches à se rendre en studio, en avril 1924. Le grand retentissement de cet album va permettre à cette musique «blanche» de se diffuser vers le Nord.

 

La jeune Samantha née en Caroline du Nord, n’accepte pas que son père, un joueur de violon, lui interdise de toucher cet instrument. A son insu, elle le dérobe et en joue en cachette. Finalement, il lui permet d’avoir un banjo «fait maison» composé d’une gourde recouverte d’une peau de chat tendue et de ficelles en fils de coton enduits de cire d’abeille. Quelques années plus tard, c’est avec un banjo acheté dix cents qu’elle va participer à son premier concours de musique. Elle y fait sensation. Mais son statut de femme l’empêche d’aller plus loin.

 

Elle ne trouvera la reconnaissance que bien plus tard, à l’âge de trente-sept ans lorsque la compagnie Columbia la remarque et l’invite avec sa complice Eva Davis à New-York, pour enregistrer un album de 14 titres.

Un mois plus tôt, le label concurrent Okeh, avait produit les premiers enregistrements de musique hillbilly, mais plus axés sur le violon.

Sans être acclamé par la critique, l’album du duo féminin Big Eye Rabbit va devenir une source d’inspiration pour tous les musiciens. Pour les femmes, il sera un signal fort, montrant qu’elles peuvent s’autoriser des activités plus épanouissantes que les travaux des champs et les tâches domestiques.

 

Entre 1828 et 1959, Samantha Bumgarner se produit sur de nombreuses scènes. Le public lui fait un triomphe. Elle joue à la radio Xera, mais aussi à Chicago, Kansas City, à La Nouvelle-Orléans, à Saint-Louis, à New-York et à la Maison Blanche en 1939 devant Franklin Roosevelt et la Reine d’Angleterre. Pete Seeger (1919- 2014) considéré avec Woody Guthrie comme le pionnier de la folk music, est impressionné par sa prestation au festival de Lunsford en 1835, alors qu’il était seulement âgé de seize ans. Il lui attribue sa motivation pour jouer de l’instrument à cinq cordes, et son inspiration. 

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- Bluegrass Today, oct 31th 2013, Richard Thompson *

- Dave Tabler, Appalachian History The Old-Time Herald, A banjo on her knee, Susan A. Eacker, Geoff Eacker

- Country: The Music and Musicians, The Country Music Foundation, New York

- Judith Tick, Ruth Crawford Seeger: A Composer's Search for American Music (Oxford University Press, 1997), p. 257.

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Cousin Emmy

1903-1980

Véritable show-woman, dézingueuse de normes
Première de tous les musiciens folk
à conduire une Cadillac

Enfant des montagnes Appalache, Cynthia May Carver née dans le Kentucky se rêve en vedette. Extrêmement douée pour la musique, elle sait jouer du banjo comme personne, mais aussi de la guitare, du violon, du ukulélé, du piano, de l’harmonica...

Pour atténuer la subversion que représente la musique pour une fille, elle adopte le nom de "Cousine Emmy" qui lui confère un statut de membre de la famille.

 

En 1936, elle remporte le concours national des Old Fiddles (violons anciens). Indépendante et déterminée à réussir, elle part seule sur les routes, jusqu’à Louisville où elle va convaincre une station de radio de la diffuser. Ses émissions de radio attirent des millions d’auditeurs.  Elle ne rechigne pas à parcourir de très longues distances pour honorer en plus, ses engagements de scène. Un des jeunes guitaristes qui l’accompagne est si impressionné par son jeu de banjo qu’il va la convaincre de lui enseigner son style, le style "Emmy". Il deviendra «Grandpa Jones», le maître et la référence du banjo.

 

En 1939, le label Decca propose à la musicienne d’enregistrer un album. Ses chansons diffusées dans les juke-box et les radios durant les années 1940 et 1950 suscitent beaucoup d’enthousiasme. Ruby Are You Mad, devient un standard, repris par le célèbre duo de bluegrass The Osborne Brothers. En 1971, la version de Buck Owens se hissera en tête des hits de country.

 

La personnalité facétieuses et les performances spectaculaires de Cousin Emmy captivent le public Elle est capable de jouer sur scène d’une quinzaine d’instruments. Ne boudant ni son plaisir, ni sa réussite, elle serait la première de tous les musiciens folk à avoir conduit une Cadillac.  Dans les années 1960 elle participera à de nombreux festivals folk et enregistrera un second album avec Mike Seeger membre des New Lost City Ramblers.

- Pickin’on Peachtree : a history of Country Music in Atlanta, Georgie, Wayne W. Daniel, 2000

- Eugène Chadbourne - Allmusic.com - Encyclopedia of Appalachia

à suivre...

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